La fiscalité internationale des successions est un domaine complexe, particulièrement lorsqu'il s'agit de successions impliquant la France et le Royaume-Uni. La Convention fiscale franco-britannique en matière de droits de succession, signée le 21 juin 1963, joue un rôle crucial dans la gestion de ces situations transfrontalières. Cette convention vise à éviter la double imposition des successions entre ces deux pays, tout en définissant clairement les règles applicables pour déterminer quel État a le droit d'imposer les différents éléments d'une succession.
Dans cet article, nous allons explorer les aspects essentiels de cette convention, son champ d'application, la répartition du droit d'imposer entre les deux pays, et illustrer son fonctionnement à travers un exemple concret. Cette analyse s'avère particulièrement pertinente pour les notaires, les conseillers fiscaux et toute personne confrontée à une succession franco-britannique.
I) Champ d'application de la Convention
1. Champ d'application temporel
La Convention entre la France et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur les successions a été signée le 21 juin 1963. Elle est entrée en vigueur le 30 juin 1964 et s'applique à toutes les successions ouvertes depuis cette date inclusivement.
2. Champ d'application matériel
La Convention s'applique en France à "l'impôt sur les successions prélevé sur les parts héréditaires" et au Royaume-Uni à "l'impôt sur la masse successorale (estate duty) prélevé en Grande-Bretagne". Il est important de noter que l'Estate Duty mentionnée dans la Convention de 1963 a été remplacée par l'Inheritance Tax. La Convention ne s'applique pas aux droits de donation, qui restent soumis en France aux dispositions de l'article 750 ter du CGI.
3. Champ d'application territorial
En France, la Convention s'applique en métropole et dans les départements d'outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique et Réunion). Au Royaume-Uni, elle couvre la Grande-Bretagne (Angleterre, Pays de Galles et Écosse) et l'Irlande du Nord. Il est à noter que les îles anglo-normandes et l'île de Man ne sont pas incluses dans ce champ d'application.
II°) Notion de domicile fiscal
La détermination du domicile fiscal est cruciale pour l'application de la Convention. Chaque pays applique d'abord ses propres règles de droit interne. En cas de double domiciliation, la Convention prévoit des critères hiérarchisés pour trancher:
- Foyer permanent d'habitation
- Centre des intérêts vitaux
- Séjour habituel
- Nationalité
- Accord entre autorités fiscales
Il est important de souligner que seules les personnes considérées comme fiscalement domiciliées en France ou au Royaume-Uni au moment de leur décès sont concernées par la Convention.
III°) Répartition du droit d'imposer
La Convention établit des règles spécifiques pour déterminer quel pays a le droit d'imposer chaque type de bien. Voici un tableau récapitulatif :
Type de bien
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Lieu d'imposition
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Biens immeubles
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État de situation
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Parts de SCI
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État de situation de l'immeuble détenu
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Meubles meublants
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Situation à la date du décès
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Objets d'art et collections
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Situation à la date du décès
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Actions et parts de sociétés de capitaux
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Lieu de constitution de la société
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Créances, comptes bancaires
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Domicile du défunt
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Bateaux et aéronefs
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Lieu d'immatriculation
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IV°) Exemple chiffré : Succession de Carol
Prenons l'exemple de Carol, résidente fiscale française, qui laisse à son décès le patrimoine suivant :
- Maison au Royaume-Uni : 400 000 £
- Comptes bancaires au Royaume-Uni : 25 000 £
- Maison en France : 450 000 €
- Comptes bancaires en France : 80 000 €
Carol laisse deux enfants et son dernier domicile était en France.
Calcul de la fiscalité
Imposition au Royaume-Uni :
- Base imposable : 400 000 £ (maison au Royaume-Uni)
- Abattement : 325 000 £
- Montant imposable : 75 000 £
- Taux d'imposition : 40%
- Impôt dû au Royaume-Uni : 30 000 £
Imposition en France :
La France, en tant qu'État de domicile fiscal, va taxer l'actif mondial.
Base imposable totale : 1 027 250 € (après conversion)
Part de chaque enfant : 513 625 €
Abattement par enfant : 100 000 €
Base taxable après abattement pour chaque enfant : 413 625 €
Droits de succession en France (barème progressif) pour chaque enfant : 80 919,35 €
Total des droits de succession pour les deux enfants : 161 838,70 €
Élimination de la double imposition :
Crédit d'impôt : 30 000 £ (environ 35 100 €)
Impôt final dû en France : 161 838,70 € - 35 100 € = 126 738,70 €
En conclusion, les héritiers devront payer :
- 30 000 £ au Royaume-Uni
- 126 738,70 € en France (soit 63 369,35 € par enfant)
Cette répartition de l'imposition entre la France et le Royaume-Uni, conformément à la Convention fiscale, permet d'éviter une double imposition tout en assurant que chaque pays puisse exercer son droit d'imposer selon les règles convenues. La France, en tant qu'État de domicile, impose l'intégralité du patrimoine mondial mais accorde un crédit d'impôt pour l'impôt payé au Royaume-Uni sur les biens immobiliers qui y sont situés.
Conclusion générale :
Au travers de ces calculs, la nécessité de consulter votre notaire spécialisé en droit international privé pour anticiper les conséquences successorales et optimiser la fiscalité applicable dans le cadre de successions franco-britanniques apparaît clairement.
Les règles complexes de la Convention fiscale, combinées aux spécificités des législations nationales, nécessitent une expertise pour élaborer des stratégies de planification successorale efficaces.
Un notaire peut vous aider à structurer votre patrimoine de manière à minimiser l'impact fiscal, tout en respectant vos volontés et en assurant la sécurité juridique de votre succession. Une consultation en amont permettra d'explorer diverses options, telles que les donations de son vivant, la rédaction d'un testament international, ou la mise en place de structures patrimoniales adaptées, afin de réduire la charge fiscale globale pour vos héritiers.